Le vent Paraclet de Michel Tournier : une ego-histoire
Résumé Nous nous proposons d’analyser de quelle manière Le vent Paraclet (1977) de Michel Tournier admettrait l’étiquette d’ « ego-histoire », genre nouveau, théorisé par Pierre Nora dans son ouvrage collectif Essais d’ego–histoire (1987). Nous montrons que Tournier explique les origines de sa vocation littéraire et les accidents ayant amené sa reconversion, suite à l’échec de sa carrière académique. L’expérience du père de Vendredi apparait au final comme un long périple initiatique.
Abstract We propose to analyze the way Michel Tournier’s Wind Spirit (1977) could be considered as an “ego-history”, a new genre theorized by Pierre Nora in his Essais d’ego-histoire (1987). We will show how Tournier explains the origins of his literary vocation, as well as the facts that led to this conversion, after his academic career failed. At last, Tournier’s experience appears to be a long initiatory journey.
Mots-clés Ego-histoire, vocation littéraire, philosophie, reconversion, initiation.
Keywords Ego-history, literary vocation, philosophy, reconversion, initiation.
Introduction
Rangé parmi « les classiques modernes », Michel Tournier signe des fictions « lisibles »[1] et revendique son statut d’écrivain orthodoxe :
Mon propos n’est pas d’innover dans la forme, mais de faire passer au contraire dans une forme aussi traditionnelle, préservée et rassurante que possible une matière ne possédant aucune de ces qualités.[2]
L’auteur de Vendredi désavoue les idéaux subversifs de « l’ère du soupçon »[3] et refuse d’adhérer aux questionnements du Nouveau Roman. Renouant avec les normes traditionnelles de l’écriture, il suscite l’engouement des commentateurs qui interrogent la richesse de ses références mythologiques et intertextuelles[4], au point de dégager les fondements d’une « tournierologie »[5].
Après le succès de ses premiers romans, Michel Tournier publie Le vent Paraclet en 1977, célébrant à sa manière le souffle sacré du Saint-Esprit. Œuvre inclassable, cet essai hybride est pour certains une autobiographie intellectuelle ; pour Michel Martin-Roland, il s’agit plutôt d’une « étude » :
Après avoir publié ses trois romans, il leur consacre une longue étude : Le Vent Paraclet. Fort de sa fréquentation assidue de Leibniz, Kant ou Heidegger, il y apporte son regard sur la mythologie du monde, son point de vue, oblique et décalé, sur les pulsions humaines et les errements de l’histoire.[6]
Les six parties[7] qui constituent l’ouvrage marient les commentaires sur la genèse des romans tourniériens consacrés par la critique, au récit de l’histoire personnelle de l’auteur, évoquant ses origines, sa formation et ses modèles.
Le vent Paraclet semble donc avoir pour objectif de représenter l’écrivain. Ce parti pris de Tournier, affirmant sans cesse sa défiance à l’encontre des « moiteurs de la vie intime »[8], devient le récit d’une vocation, avec son histoire et sa préhistoire.
Dans ce propos, nous envisageons la possibilité d’inscrire cette autobiographie intellectuelle sous l’étiquette d’ « ego-histoire », telle que théorisée dans Essais d’ego-histoire (1987) de Pierre Nora[9]. L’historien définit en effet son projet comme suit :
Ce n’est pas la mise en forme d’une enquête, mais une tentative de laboratoire des historiens qui cherchent à se faire les historiens d’eux-mêmes.[10]
Il invite un panel de compères[11] à se prêter à cet « exercice » qui
[…] consiste à éclairer sa propre histoire comme on ferait l’histoire d’un autre, à essayer d’appliquer à soi-même, chacun dans son style et avec les méthodes qui lui sont chères, le regard froid, englobant, explicatif qu’on a si souvent porté sur d’autres.[12]
Nous étudierons donc Le vent Paraclet de Michel Tournier comme étant l’« ego-histoire » de celui qui se définit toujours comme quelqu’un « qui vient d’ailleurs », dans un jeu incessant de proximité et de mise à distance.
Nous commencerons par montrer que Michel Tournier n’est pas un adepte de l’autobiographie et de l’introspection, avant de suivre son parcours, chronologiquement présenté depuis les origines jusqu’à la maturité et à la consécration. Nous tenterons également de situer la véritable naissance de la vocation littéraire de ce philosophe ayant embrassé la carrière littéraire « par compensation » et nous évoquerons les expériences ayant préparé ce que Tournier appelle sa « naturalisation littéraire ». Nous avancerons enfin l’hypothèse selon laquelle ce cheminement obéirait au canevas initiatique classique (du reste amplement pratiqué par Tournier dans ses fictions).
Après des décennies de structuralisme prônant l’immanence du texte et nourrissant « un idéal […] d’intelligibilité intrinsèque »[13], le Sujet, longtemps relégué au second plan, regagne du terrain. Il n’est cependant plus encensé en tant que pleine conscience ou en tant qu’entité autodéterminée. Il est au contraire redéfini en fonction des données objectives qui le conditionnent, et cette perspective trouve résonance dans l’approche qui nous occupe.
Les origines
Avec la distance temporelle, Tournier pose un regard neuf sur son passé et c’est en généalogiste qu’il entreprend d’interpréter à rebours son parcours. L’ouvrage repose donc sur cette « capacité de dé-familiariser un sujet que nous habitons spontanément »[14]. Comme l’affirme Foucault :
il faut savoir reconnaitre les évènements de l’histoire, ses secousses, ses surprises, les chancelantes victoires, les défaites mal digérées, qui rendent compte des commencements, des atavismes et des hérédités […].[15]
Afin d’étudier « le point de surgissement », Foucault établit la pertinence de ce cheminement régressif, à même de rendre compte au mieux de ce qu’il appelle « le terme final »[16] (en l’occurrence la venue en littérature pour Tournier). Le père de Vendredi tente ainsi, selon les propos de Pierre Nora, « d’expliciter, en historien, le lien entre l’histoire qu’on a faite et l’histoire qui vous a fait »[17].
Il parle de sa famille (placée sous le signe de la « Germanistik »[18] et décrit le milieu dans lequel il a grandi. Le vent Paraclet explore ainsi « la filière complexe de la provenance »[19], « la vieille appartenance à un groupe – celui du sang, celui de la tradition, celui qui se noue entre ceux de même hauteur ou de même bassesse »[20]. Cette souche commune précède ce que Foucault appelle « l’émergence des variations individuelles »[21], le devenir propre d’un membre en particulier.
Une conscience nouvelle permet à Tournier dans Le vent Paraclet de sonder son passé et, en termes foucaldiens, de :
[…] repérer les accidents, les infimes déviations – ou au contraires les retournements complets -, les erreurs, les fautes d’appréciation, les mauvais calculs qui ont donné naissance à ce qui existe et vaut pour nous.[22]
« Ceci n’est pas une autobiographie »[23] ou l’ordre de « l’extime »
Tournier aime à se présenter comme un « anti–Narcisse ». À un journaliste qui l’interroge sur « l’introspection », il répond : « La vie intérieure ne m’intéresse pas, écrire mon journal intime me paraîtrait grotesque et répugnant »[24].
Et c’est sans doute pour cela qu’il baptise son journal Journal Extime. Il s’explique :
C’est que les choses, les animaux et les gens du dehors m’ont toujours paru plus intéressants que mon propre miroir. Les fameux « Connais-toi toi-même » de Socrate a toujours été pour moi une injonction vide de sens ».[25]
Il salue son compère Michel Butor qui oppose « l’exploration » et « l’imploration »[26] et apparente « l’imploration […] » à « un repliement pleurnichard sur nos « petits tas de misérables secrets » […] »[27].
Peut-être pourrions-nous hasarder une hypothèse quant à ce refus de l’intime. De par son éducation catholique, se peut-il qu’il « incline pour le secret de la confession auriculaire, non pour l’étalage des péchés sur une page imprimée »[28] ? Ce que Debray appelle « la chute dans le je » demeure un pis-aller, une option douloureuse à laquelle Tournier se résigne avec force excuses et justifications.
Dans la première partie de Je m’avance masqué[29], intitulée « Les années d’apprentissage », Tournier confie sa défiance à l’encontre de l’autoreprésentation, en partageant avec son interlocuteur une prose qu’il aurait composée :
[…] Propos amers sur mon image, ou l’anti-Narcisse. Mon Dieu, pourquoi faut-il avoir un visage, un corps, une silhouette ? Je rêve d’être l’homme invisible, capable de se glisser partout, de tout subir, de tout entendre, de tout noter en passant lui-même inaperçu.[30]
S’appropriant le mot de Descartes et son « Larvatus prodeo », il définit la posture qu’il adopte dans Le vent Paraclet :
[…] je me raconte moi-même, en témoin d’événements considérables. Parce que, tout de même, j’en ai vu des vertes et des pas mûres. Et je m’en réjouis, surtout comme écrivain.[31]
C’est en cela donc que Tournier semble se conformer à la prescription de Nora :
Ni autobiographie faussement littéraire, ni confessions inutilement intimes, ni profession de foi abstraite, ni tentative de psychanalyse sauvage.[32]
Pour un moment, Michel tourne le dos à Tournier et nous livre « [sa] part la moins endimanchée »[33].
Tournier, « écrivain par compensation »
L’auteur de Vendredi n’a de cesse de répéter qu’il vient en littérature, une fois brisé son rêve d’embrasser la carrière d’enseignant :
[…] il faut que je rappelle que ma vocation première était la philosophie, l’enseignement de la philosophie. Le destin en a décidé autrement, et je suis devenu écrivain par compensation.[34]
Dans une interview, il explique ce qui motive ce changement de cap, à savoir le désir de contrebalancer un préjudice :
Je n’aurais jamais écrit si j’avais été reçu à l’agrégation de philosophie. Mon but était d’enseigner la philo au lycée. J’ai échoué à l’agrégation dans des conditions lamentables et je me suis retrouvé sur le pavé.[35]
Ce « grief »[36] contre l’agrégation ne le quittera pas de sitôt et précipite sa reconversion. Suit alors une longue période de maturation, jalonnée par de multiples réajustements. « Aiguisant [sa] plume sur des traductions »[37], Tournier s’engage à son insu sur la voie devant l’amener en littérature :
[…] je gagnais ma vie en bricolant des émissions pour la radio et en abattant pour les éditions Plon des milliers de pages de traduction. Je ne savais pas que ces deux expédients alimentaires me préparaient très efficacement chacun à sa façon au métier d’écrire.[38]
La littérature apparait alors comme un métier, un artisanat dont on acquière patiemment les rudiments. Tournier recourt d’ailleurs souvent à la métaphore de l’« ouvrier » ou du « maçon » qui élève, brique par brique, un édifice[39] :
La traduction est certainement l’un des exercices les plus profitables auquel puisse se soumettre un apprenti écrivain, l’objectif étant la formulation d’une pensée étrangère dans un français aussi coulant, souple et familier que possible. Le traducteur se doit d’apprendre à manier en virtuose les clichés, locutions, formules toutes faites, tournures usuelles et autres idiotismes qui constituent le fond de la langue dans laquelle il écrit […].
Et il dit plus loin :
[…] cet exercice prépare excellemment à l’œuvre originale. En effet, le maniement constant des pièces essentielles constituant l’automatisme de la langue apprend non seulement à s’en servir dans la traduction mais à les gauchir et à les éliminer dans l’œuvre originale.[40]
De nombreux écrivains envisagent l’exercice de traduction comme apprentissage, avant « l’œuvre originale ». L’entreprise de Marcel Proust traduisant John Ruskin (1819-1900), poète, peintre et critique d’art d’outre-Manche est un précédent exemplaire. Le jeune Proust interrompt la rédaction d’un premier roman, Jean Santeuil, laissant en plan des centaines de pages d’épreuves et de notes, et ce n’est qu’après le détour par l’œuvre de l’esthète anglais qu’il se trouve en mesure de mener à terme son ouvrage. De même, c’est en s’imprégnant des textes de Ruskin que Proust acquiert une bonne connaissance de la Bible, et ces références irriguent désormais les différents volets de la Recherche. Outre cette érudition, la traduction inculque au jeune Proust la contrainte du labeur patient et soutenu[41]. Dans sa correspondance, il confie que c’est « l’habitude d’être laborieux qui nous permet de produire une œuvre »[42] ; traduire réveille en lui « l’abeille endormie »[43]. L’acte de création paraît tributaire de cette discipline préalable : « cette servitude volontaire est […] le commencement de la liberté »[44]. Le traducteur s’attelle à la tâche, stoïquement, assidûment, et, chemin faisant, trouve sa voie : « c’est en nous efforçant d’obéir aux autres que peu à peu nous prenons conscience de nous-même »[45], dit le jeune Marcel. Tournier connaît à son tour cet effacement librement consenti, en amont de l’œuvre prochaine.
À l’ascèse imposée par la traduction vient s’ajouter une nouvelle expérience préparant à sa manière le métier d’écrivain : la radio. Assurant la matinale culturelle puis « débauché pour faire les publicités »[46] sur Europe1, Tournier confie avoir écrit « des messages pour vendre des couches-culottes ou des machines à laver », ce qu’il ne manquait pas de trouver « passionnant »[47], chose pour le moins surprenante de la part de cet intellectuel abreuvé de philosophie classique et allemande.
Se retrouver derrière un micro, voix entièrement désincarnée[48], éprouver « l’émotion sacrée », « le miracle des ondes »[49], préfigure le rôle de l’écrivain, démiurge tout-puissant, s’effaçant humblement devant son l’œuvre. Walter Benjamin commente pour sa part ce rapport au public, propre aux ondes radiophoniques :
[…] quand les auditeurs de la radio, à l’opposé de tout autre public, reçoivent chez eux, à domicile, la prestation offerte, la voix comme un hôte, en quelque sorte. On l’aura donc appréciée, d’habitude, dès l’entrée, aussi rapidement et fortement qu’un invité.[50]
De ce fait, le rapport avec l’audience n’est pas sans affinités avec le lien attachant un auteur à son lectorat, et c’est également « comme un hôte » que le lecteur accueille le texte à lire.
Comme pour Tournier, la radio a été un apprentissage fécond pour le poète et dramaturge Jean Tardieu (1903-1995) célébrant « les sortilèges de la mise en ondes »[51] et le paradoxe d’une « présence absente »[52]. Art aveugle, la radio, prépare l’œuvre de l’écrivain, et Tardieu fait de ce média un « laboratoire » pour de nombreuses expériences esthétiques, notamment dans le cadre de ses innombrables pièces radiophoniques. La voix, avec son timbre et ses inflexions, ainsi que les différents dispositifs acoustiques, lui servent pour explorer la matérialité des mots, la sensualité du signifiant. En plus de cet intérêt heuristique, la radio pour Tardieu, comme pour Tournier, s’avère propice à une « communion » avec les auditeurs : elle est à la fois diffusion en masse et réception individuelle. « Magicien de l’impalpable »[53], le metteur en ondes organise ses plans sonores comme l’écrivain ses séquences.
Une double propédeutique prépare donc lentement ce que Tournier appelle en termes alchimiques « la transmutation » :
Pendant quinze années, j’ai rempli mes tiroirs de manuscrits avortés. Le passage de la métaphysique au roman, la transmutation romanesque de la métaphysique ne réussissait pas.[54]
Le changement qualitatif tarde à venir, et il appert que le facteur-temps intervient grandement dans l’itinéraire de Tournier qui se définit plutôt comme un « marathonien » par opposition aux écrivains « sprinters »[55], et ce à cause de « la durée, la très longue durée de [ses] maturations »[56]. Ayant de l’œuvre « une vision quantitative »[57], il dit « recourir à l’accumulation patiente »[58] jusqu’à ce que « le passage à la qualité » se produise enfin, telle une mayonnaise qui prend[59].
Avec Vendredi ou les limbes du Pacifique, Tournier décroche son insigne de romancier :
Pour la première fois ce manuscrit achevé en décembre 1966 me parut digne d’être soumis au lectorat d’une maison d’éditions. Il parut en mars 1967. Je venais d’obtenir ma naturalisation littéraire.[60]
Et Tournier d’exulter : « Je suis ce naturalisé, romancier au teint quelque peu basané par le soleil métaphysique »[61]. Ainsi, ces ersatz n’auraient été « […] que la menue monnaie d’une vocation à demi réalisée, à demi-manquée »[62].
Les bonheurs de Sophie[63]
Ayant enfin réussi sa reconversion, Tournier n’en continue pas moins à se définir comme « un moine défroqué » et reste fidèle à l’ordre des philosophes qu’il a dû quitter à son corps défendant :
Ayant claqué derrière moi la porte de l’université, je crus que je pourrais poursuivre solitairement dans la voie où j’avançais depuis sept ans, comme un moine défroqué qui s’imaginerait pouvoir observer la règle de son ancien ordre en gagnant sa vie comme ouvrier ou comme commerçant.[64]
Il réussit cependant une étonnante synthèse en faisant de la « contrebande » : « Je me définis comme un contrebandier de la philosophie. Je vends des romans, avec de la philosophie cachée dessous », plaisante-t-il à moitié. Il explique :
[…] je prétendais bien sûr devenir un vrai romancier, écrire des histoires qui auraient l’odeur du feu de bois, des champignons d’automne ou du poil mouillé des bêtes, mais ces histoires devraient être secrètement mues par les ressorts de l’ontologie et de la logique matérielle.[65]
« Donc faire œuvre littéraire. Mais ne jamais oublier que je venais d’ailleurs, et rester dans le monde des lettres un homme d’ailleurs »[66]. Tel est le nouveau credo de Tournier[67].
Cet engouement pour la philosophie trouve racine dans les premiers enseignements théologiques reçus au cours de la prime enfance :
tout cancre que j’étais, je trouvais dans l’Histoire sainte et le catéchisme, la préformation de la spéculation concrète, inséparables d’une imagerie forte et brillante, que j’ai retrouvée plus tard dans la métaphysique. […] dès mon enfance, je voulais des constructions savantes, des démonstrations menant aux plus fines évidences, un vocabulaire rare et technique […].[68]
L’intelligence du jeune Tournier s’éveille très tôt à « l’amour de la sagesse » et aux spéculations mentales : tout semble le prédisposer à l’exercice de la philosophie.
Un parcours initiatique
Le vent Paraclet se prête par ailleurs à une autre lecture. Il est possible en effet d’y retrouver le canevas classique de l’initiation. Le scénario tripartite tel qu’identifié par Van Gennep[69], Eliade[70] ou encore Vierne[71] trouve résonance dans cette ego-histoire.
Ayant suivi des études d’ethnographie au musée de l’homme, notamment sous la houlette de Lévi-Strauss, Tournier évoque dans la partie intitulée « L’enfant coiffé » les rites d’initiation dans les sociétés primitives et semble appliquer ce dispositif à son propre vécu :
Brûlures, morsures, mutilations, arrachage de dents, la liste des supplices infligés à l’enfant dans les sociétés dites primitives, comme prix du statut d’homme à part entière, est inépuisable. Cela peut aller jusqu’à la mise à mort – symbolique – du candidat qui est censé renaître ensuite, reprendre sa vie ab initio en ayant cette fois pour mère un homme, le sorcier.[72]
Sa vie présente en effet des seuils importants constituant des rites de passage : l’ablation des amygdales[73], l’éloignement du giron maternel, les déboires avec « la pédagogie helvétique »[74], l’échec à l’agrégation. Tournier évoque même son « dépucelage » au « contact quotidien avec les grands requins cyniques ou inconscients de la publicité […] »[75].
Il confie qu’« [il] voi[t] bien le parti littéraire que chacun […] peut tirer de ses plaies et de ses bosses »[76]. À la fois matière et motivation du texte, l’histoire personnelle nourrit la vocation littéraire, pas encore déclarée. Comme l’affirme Foucault, « l’histoire, avec ses intensités, ses défaillances, ses fureurs secrètes, ses grandes agitations fiévreuses comme ses syncopes, c’est le corps même du devenir »[77].
Si nous empruntons la terminologie de Van Gennep, nous pouvons proposer un nouvel éclairage de l’expérience malheureuse qu’a été l’échec au concours. En l’espèce, les trois phases, « séparation », « marge » et « agrégation » sont opératoires.
Comme traumatisme majeur dans le parcours du jeune Tournier, l’échec à l’agrégation équivaut à une séparation[78] et amorce une descente aux enfers :
Vint l’année de l’agrégation, ce bachot hypertrophié, bouffi, ubuesque, l’institution la plus malhonnête et la plus néfaste de notre enseignement. Le petit groupe que nous formions fut taillé en pièces par les examinateurs […] il fallut renoncer à notre seule et véritable vocation et jeter aux orties nos robes de clercs-métaphysiciens pour nous convertir au journalisme, à la radio, à l’édition, à la confection, voire à la fiction littéraire, comme Michel Butor et moi-même.[79]
Jugé indigne d’endosser la toge virile, à l’image de ces jeunes Romains contraints à porter encore la toge prétexte, Tournier demeure au seuil d’un cap important. Le registre de la coupure souligne cet épisode de « séparation », et l’échec fonctionne en l’occurrence comme une mort initiatique, puisque la renaissance nécessite l’anéantissement de l’état antérieur.
Débute alors la phase de « marge ». Dans un article de presse, nous pouvons lire que pour Tournier « commence […] une vie presque bohème, faite d’expédients, de petites piges »[80]. Il dit lui-même dans Le vent Paraclet qu’il s’installe désormais « avec quelques gentils farfelus de son espèce »[81].
Son installation dans le presbytère de Choisel (dans la vallée de la Chevreuse) au début des années soixante creuse davantage la rupture avec sa vie passée. Tournier mène à Choisel l’existence marginale d’un anachorète dans sa bienheureuse thébaïde et sa vie de reclus, loin du tapage de la capitale, lui vaut le surnom d’ « ermite de Choisel ». Cette retraite volontaire ne semble pas sans affinités avec un état larvaire précédant l’éclatante métamorphose. « Pleine de promesses de vie, mais encore proche du néant dans lequel il faut bien retourner si l’on veut changer totalement »[82], cette transition rappelle la graine, enfouie à l’état embryonnaire, qui prend le temps de mûrir avant d’émerger en jeune pousse.
Par la suite, la phase d’ « agrégation » le voit enfin admis dans la communauté des lettres, adoubé tel un chevalier recevant ses armes.
Ainsi le regard rétrospectif porté par Tournier dans Le vent Paraclet parvient à créer une cohérence a posteriori et tous les griefs du passé semblent désormais participer d’une singulière destinée. Selon le mot de Debray :
ces petites sphères traversées l’une après l’autre, tels des membra disjecta mis sans vergogne bout à bout, peuvent au mieux indiquer ce qu’on appelle, non sans audace, un chemin.[83]
Ce qui était subi telle une fatalité devient un enchaînement mu par une logique irrépressible, quoiqu’encore inconnue. Empruntant à Nietzsche sa définition de l’amor fati[84],
Tournier décrit ce revirement ontologique :
la vie des héros devient de plus en plus intelligible à mesure que les évènements […] viennent l’enrichir et l’éclairer. Cette élucidation progressive entraine un assentiment de plus en plus intime à une histoire dont la solidarité avec l’ordre cosmique et le caractère strictement personnel se dévoilent conjointement de jour en jour. Par la reconnaissance, le fatum devient amor fati.[85]
Le récit rétrospectif illustre ainsi « la force géniale d’un homme qui parvient à transformer en bénédiction un terrible coup du sort, en bonheur la plus désastreuse des fatalités »[86]. Ayant vécu comme un affront l’échec de sa carrière académique, Tournier se rallie à l’idée nietzschéenne d’une « lente métamorphose du destin en destinée ». Ce qui était perçu comme un « mécanisme obscur et coercitif » devient « l’élan unanime et chaleureux d’un être vers son accomplissement »[87].
Conclusion
Clamant à cor et à cri ne pas être « homme à se pencher sur son assiette et sur son pot de chambre »[88], Tournier revient sur les origines de sa vocation littéraire, évitant tout épanchement et dénigrant la « ganache éculée, puant la sueur et la vie intérieure »[89].
Ce « contrebandier de la philosophie », qui arrive « tard » en littérature, décrit son itinéraire, sinueux mais progressant à dessein, et dont l’échec à l’agrégation précipite la mécanique :
Ainsi donc s’il fallait dater la naissance de ma vocation littéraire, on pourrait choisir ce mois de juillet 1949 où dans la cour de la Sorbonne Jean Beaufret m’apprit que mon nom ne figurait pas sur la liste des admissibles du concours d’agrégation.[90]
Nous avons analysé la propédeutique efficace constituée par la traduction et par la carrière radiophonique, déblayant largement la voie de l’écriture.
D’autres titres avaient été envisagés pour cet ouvrage : Altérations, Matrices, Métamorphoses, Mues, Racines, Sources, autant d’appellations ayant trait aux origines de la vocation littéraire. La préface de l’éditeur ajoute même que « chacun de ces mots exprime […] l’un des aspects de ce retour en arrière accompagné par un effort pour dominer le désordre naturel de la vie ».
Le vent Paraclet est en somme le cadre d’une remise en contexte a posteriori, menée par un regard décentré, objectivé par la distance. En publiant son ego-histoire, Tournier signe un retour du sujet (prenant à contre-pied la mort de l’auteur, décrétée par Roland Barthes) et montre que les œuvres littéraires ne sont pas le produit d’une « génération spontanée »[91] mais le fruit d’une longue initiation. Il adopte – avant l’heure – l’exemple des historiens modernes que Pierre Nora incite à se défaire d’une impersonnalité contre-nature[92], et à se réconcilier avec le nom propre[93].
Jihane Tbini
Université de la Manouba
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POUR CITER CET ARTICLE
Jihane Tbini, « Le vent Paraclet de Michel Tournier : une ego-histoire », Nouvelle Fribourg, n. 3, juin 2018, URL : https://www.nouvelle-fribourg.com/archives/le-vent-paraclet-de-michel-tournier-une-ego-histoire/
NOTES
1 Roland Barthes, S/Z, Éditions du Seuil, 1970, p. 10.
2 Michel Tournier, Le vent Paraclet, Gallimard, 1977, p. 188.
3 Jean-Raoul Austin de Drouillard, Michel Tournier ou Le retour au sens dans le roman moderne, Peter Lang, 1992.
4 Voir par exemple Arlette Bouloumié, Michel Tournier : le roman mythologique, Éditions José Corti, Paris, 1988 ; Jonathan F. Krell, Tournier élémentaire, Purdue University Press, 1994 ; Mariska Koopman-Thurlings, Vers un autre fantastique, étude de l’affabulation dans l’œuvre de Michel Tournier, Editions Rodopi B. V., Amsterdam-Atlanta, GA, 1995 ; Jean-Bernard Vray, Michel Tournier et l’écriture seconde, Presses Universitaires de Lyon, 1997.
5 Serge Koster, Michel Tournier, José Corti, 1988.
6 Michel Tournier, Je m’avance masqué, Entretiens avec Michel Martin-Roland, Gallimard, 2013, préface de Michel Martin-Roland, p. 9.
7 « L’enfant coiffé » ; « Le roi des aulnes » ; « La dimension mythologique » ; « Vendredi » ; « Les météores » ; « Les malheurs de Sophie ».
8 Michel Tournier, Le vent Paraclet, op. cit., p. 158.
9 Pierre Nora est associé au courant historiographique de la Nouvelle Histoire et il est l’une figures représentatives de la nouvelle génération de l’Ecole des Annales. Editeur, il fonde la collection « Bibliothèque des Histoires » chez Gallimard.
10 Pierre Nora, Essais d’ego-histoire, Gallimard, coll. « Bibliothèque des Histoires », 1987, p. 5.
11 Maurice Agulhon, Pierre Chaunu, Georges Duby, Raoul Girardet, Jacques Le Goff, Michelle Perrot et René Rémond.
12 Pierre Nora, op. cit., p. 7.
13 Jean Piaget, Le structuralisme, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1968.
14 Pierre Nora, "L'ego histoire est-elle possible ?", historein, vol. 3, Athens 2001, p. 19-26.
15 Michel Foucault, Philosophie, anthologie établie et présentée par Arnold I. Davidson et Frédéric Gros, Gallimard, « Folio essai », Paris, 2004 (2013 pour l’édition numérique), p. 398.
16 Michel Foucault, op. cit., p. 402.
17 Pierre Nora, Essais d’ego-histoire, op. cit., p. 7.
18 Michel Tournier, Le vent Paraclet, op. cit., p. 69.
19 Michel Foucault, op. cit., p. 399.
20 Ibid., p. 398.
21 Michel Foucault, op. cit., p. 403.
22 Ibid., p. 399.
23 Pierre Bourdieu, Esquisse pour une auto-analyse, Seuil, 2004.
24 « Michel Tournier : La vie intérieure ne m’intéresse pas », entretien avec Michel Tournier, L’Express du 19/05/2010, http://www.lexpress.fr/culture/livre/michel-tournier-la-vie-interieure-ne-m-interesse-pas_892981.html.
25 Michel Tournier, Journal extime [2002], Gallimard, 2004, p. 12.
26 Ibid., p. 11.
27 Ibid., p. 12.
28 Régis Debray (ayant en commun avec Tournier une éducation catholique) explique à propos de l’écriture à la première personne que contrairement au « nous » ou au « on », « le je, lui, se dit ou s’écrit à voix basse, sous l’abat-jour ou à la cantonade », Carnet de route. Écrits littéraires, Éditions Gallimard, 2016, p. 11.
29 Michel Tournier, Je m’avance masqué, op. cit.
30 Ibid., p. 17.
31 Ibid., p. 18.
32 Pierre Nora, Essais d’ego-histoire, op. cit., p. 5.
33 L’expression est de Régis Debray, op. cit., p. 12.
34 Michel Tournier, Les vertes lectures [2006], Gallimard, 2007, p. 29.
35 « Michel Tournier », entretien avec Michel Tournier, L’Express du 01/07/2006, http://www.lexpress.fr/culture/livre/michel-tournier_811368.html
36 « Michel Tournier : La vie intérieure ne m’intéresse pas », entretien avec Michel Tournier, L’Express du 19/05/2010, op. cit.
37 Michel Tournier, Le vent Paraclet, op. cit., p. 168.
38 Ibid., p. 164.
39 Ibid., p. 182.
40 Michel Tournier, Le vent Paraclet, op. cit., p. 165.
41 « […] ces années de travail furent extrêmement fructueuse. Par les exercices stylistiques qu’il accomplit en corrigeant la version faite par sa mère, Proust acheva sa formation d’écrivain. Par les recherches littéraires qu’il poursuivit en vue des annotations du texte, il élargit son horizon intellectuel. Ce ne fut pas tout. Ces années lui permirent d’acquérir les qualités de discipline intellectuelle, la maturité d’esprit, qui lui manquaient le plus lors de la composition de Jean Santeuil », Philip Kolb, « Proust et Ruskin ; nouvelles perspectives », in Cahiers de l'AIEF, Année 1960, 12, pp. 259-273, http://www.persee.fr/doc/caief_0571-5865_1960_num_12_1_2181, p. 267.
42 Cité par Cynthia Gamble, « Adrien Proust et John Ruskin : la mort inspiratrice du travail proustien », in Bulletin Marcel Proust, 54, Samp, 2005, pp. 37-50, p. 42.
43 Ibid., cité p. 43.
44 Ibid.
45 Ibid.
46 « Michel Tournier », entretien avec Michel Tournier, L’Express du 01/07/2006, op. cit.
47 Ibid.
48 Dans Le coq de bruyère, Tournier consacre une nouvelle intitulée « Tristan Vox » à l’ambivalence de la voix radiophonique.
49 Michel Tournier, Le vent Paraclet, op. cit., p. 167.
50 Walter Benjamin, Écrits radiophoniques [traduit de l’allemand par Philippe Ivernel. Textes choisis par Philippe Baudouin], Éditions Allia, Paris, 2014, p. 151.
51 Jean Tardieu, « Sortilèges de la mise en ondes », Cahiers d’études de radiotélévision, n° 1, 1954, réédité dans Jean Tardieu et Chérif Khaznadar, Grandeurs et faiblesses de la radio, Paris, Unesco, 1969, p. 76-79.
52 Laurent Flieder, Jean Tardieu ou la présence absente, Librairie Nizet, Paris, 1993.
53 Ibid.
54 Michel Tournier, Le vent Paraclet, op. cit., p. 193.
55 Il donne l’exemple de Stendhal qui aurait dicté La Chartreuse en cinquante-deux jours, ibid., p. 181.
56 Ibid., p. 181.
57 Ibid.
58 Ibid.
59 Tournier choisit la mayonnaise comme exemple-type du passage de la quantité (simple addition d’ingrédients : œuf, huile, etc.) à la qualité (changement de nature), ibid., p. 187.
60 Michel Tournier, Le vent Paraclet, op. cit., p. 194.
61 Ibid., p. 195.
62 Pierre Nora, "L'ego histoire est-elle possible ?", op. cit.
63 Le dernier chapitre du texte s’intitule « Les malheurs de Sophie ».
64 Michel Tournier, Le vent Paraclet, op. cit., p. 163.
65 Ibid., p. 179.
66 Ibid.
67 Régis Debray (qui a succédé à Michel Tournier au sein de l’Académie Goncourt et chez qui « la condition littéraire » est plus ancienne que la carrière de philosophe) s’exprime ainsi à propos du statut d’ « homme de lettres » : « Hommes de lettres ? Quelle misère ! Fignoleur de mots ! Enculeur de mouches ! Pouah ! La retraite ? Pire : la reddition », op. cit., p. 946.
68 Michel Tournier, Le vent Paraclet, op. cit., p. 62-63.
69 Arnold Van Gennep, Les rites de passage, Paris, Nourry, 1909.
70 Mircea Eliade, Initiation, rites, sociétés secrètes, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1992 [1959].
71 Simone Vierne, Jules Verne et le roman initiatique. Contribution à l’étude de l’imaginaire, Paris, Éditions du Sirac, 1973 ; Rite, roman, initiation, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2000 [1973].
72 Ibid., p. 19.
73 « Cette sanglante mésaventure dont s’éclabousse mon enfance comme d’un grand soleil rouge, je n’ai pas fini de la ruminer et d’en tirer toute sorte de questions, d’idées, d’hypothèses. L’enfance nous est donnée comme un chaos brûlant, et nous n’avons pas trop de tout le reste de notre vie pour tenter de le mettre en ordre et de nous l’expliquer », Le vent Paraclet, op. cit., p. 19.
74 Ibid., p. 23.
75 Ibid., p. 177.
76 Ibid., p. 25.
77 Michel Foucault, op. cit., p. 398.
78 Paradoxalement, c’est cette agrégation ratée qui devient désagrégation.
79 Michel Tournier, Le vent Paraclet, op. cit., p. 162.
80 Nicolas d’ Étienne D’Orves, « Michel Tournier, la mort du père de Vendredi », Le Figaro du 18/01/2016, http://www.lefigaro.fr/livres/2016/01/18/03005-20160118ARTFIG00382-michel-tournier-le-collectionneur-de-mythes.php.
81 Michel Tournier, Le vent Paraclet, p. 163.
82 Simone Vierne, Rite, roman, initiation, op. cit., p. 36.
83 Régis Debray, op. cit., p. 16.
84 Lynn Salkin-Sbiroli, « Par-delà Nietzsche : l’amor fati », in Arlette Bouloumié et Maurice de Gandillac (dir.), Images et signes de Michel Tournier, Actes du colloque de Cerisy-la-Salle, Paris, Gallimard, 1991, p. 147-163.
85 Michel Tournier, Le vent Paraclet, op. cit., p. 241-242.
86 Ibid., p. 104-105.
87 Ibid., p. 242.
88 « Michel Tournier : La vie intérieure ne m’intéresse pas », entretien avec Michel Tournier, L’Express du 19/05/2010, op. cit.
89 Michel Tournier, Le vent Paraclet, op. cit., p. 160.
90 Michel Tournier, ibid., p. 163.
91 Michel Tournier, Je m’avance masqué, op. cit., p. 17.
92 « Toute une tradition scientifique a poussé les historiens, depuis un siècle, à s'effacer devant leur travail, à dissimuler leur personnalité derrière leur savoir, à se barricader derrière leurs fiches, à se fuir eux-mêmes dans une autre époque, à ne s'exprimer qu'à travers les autres », Pierre Nora, Essais d’ego-histoire », op. cit., p. 5.
93 Cette réconciliation avec le nom propre est au demeurant l’injonction qui clôt l’ouvrage de Jacques Rancière, Les noms de l’histoire. Essai de poétique du savoir, Éditions du Seuil, 1992.